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92 [1^79] JOURNAL
qu'à ce qu'étant vaincu par la multitude, et dénué de toutes armes et instrumens pour se deffendre, fut assommé près une fenêtre par laquelle il se vouloit jetter, pour cuider se sauver.
Telle fut la fin du capitaine Bussy (0, qui étoit d'un courage invincible, haut à la main, fier et audacieux, aussi vaillant que son épée; et pour l'âge qu'il avoit, qui n'étoit que de trente ans,étoit aussi digne de commander à une armée, que capitaine qui fât en France; mais vicieux, et peu craignant Dieu : ce qui causa son malheur, n'étant parvenu à la moitié de ses jours, comme il advient aux hommes de sang tels que lui. Il possedoit tellement M. le duc son maître, qu'il se van-toit tout haut d'en faire tout ce qu'il vouloit, voire et avoir la clef de ses coffres et de son argent, et en prendre quand bon lui sembloit ; [de laquelle vanterie on disoit qu'il se fût aisément passé.] Il aimoit les lettres, combien qu'il les pratiquât mal, et se plaisoit à lire les histoires, [et entr'autres les Vies de Plutarque;] et quand il y lisoit quelque acte généreux et signalé, fait par un de ces vieux capitaines romains : « Il n'y a « rien en tout cela, disoit-il, que je n'exécutasse aussi « bravement qu'eux à la nécessité ; » ayant accoutumé de dire qu'il n'étoit né que gentilhomme, mais qu'il portoit dans l'estomac un cœur d'empereur. Si bien que, pour sa gloire, Monsieur le prit à dédain, et le hait sur la fin autant qu'il l'avoit aimé du commencement; ayant même, selon le bruit commun, consenti à la partie qu'on lui dressa pour s'en deffaire. En quoy se vérifie un méchant proverbe ancien parlant des princes,
(-) Capitaine Bussy : Brantôme a fait son éloge. ( Capitaines illustres françois. )
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